Elle s'appelait Marie-Anne Etchemendy (I)

Collection particulière ©Mdep

Elle s'appelait Marie-Anne Etchemendy, un nom d'héroïne de roman. C'était ma grand-mère paternelle et j'aurais aimé mieux la connaître. Cette photo a plus de 100 ans. Elle a été prise en 1915 dans un village basque. Le père de famille est à la guerre et pour lui, pour qu'il emporte un peu d'eux dans son paquetage, son épouse prend la pose avec ses enfants.

Ils sont cultivateurs, autant dire que l'événement est rarissime. Ils ne sont pas bien riches mais chacun a sorti ses habits du dimanche pour l'occasion et les trois fillettes arborent un beau nœud blanc dans leurs cheveux bien coiffés. Ma grand-mère Marie-Anne est la petite fille sagement assise sur la chaise, elle n'a que trois ans.

Maison Bidakurria (aujourd'hui disparue) ~ Collection particulière ©Mdep

Elle a vu le jour le 18 juin 1912 dans la maison Bidakurria du quartier Çabalce (aujourd'hui Zabaltza) de Saint-Jean-le-Vieux dans les Pyrénées-Atlantiques (autrefois Basses-Pyrénées). Son père, Jean Etchemendy, est natif de Mendive, un village voisin. Né le 12 mars 1877, il appartient donc à la Classe 97. Il a été tiré au sort avec le n°53 dans le canton de Saint-Jean-Pied-de-Port mais son incorporation est ajournée par deux fois pour défaut de taille : il mesure 1,53 m !

Comme de nombreux jeunes Basques, il part tenter sa chance "aux Amériques". Sur sa fiche matricule, il est indiqué qu'en 1901, il s'est enregistré au Consulat de France à San Francisco. Mais contrairement à d'autres, il en est revenu avec un petit pécule qui lui a permis d'acheter sa maison. 

En 1908, il épouse Gracianne Urritzaga, de six ans sa cadette, née à Saint-Jean-le-Vieux de parents Navarrais. Quand l'ordre de mobilisation est décrété le 1er août 1914, mon arrière-grand-père a plus de 37 ans et déjà cinq enfants. 

Deux autres naîtront après la guerre. Mais revenons à la photo de la fratrie Etchemendy. A gauche, celle qui pose délicatement sa petite main sur le bras de son ama, c'est Eléonore-Marie que tout le monde appelle Maddy. Elle a quatre ans. 

La "grande" à l'air grave, comme si elle comprenait tout l'enjeu de ce moment inhabituel, c'est Dominica, six ans. Le petit garçon derrière ma grand-mère c'est Bernard (ou Beñat en basque), deux ans, et le dernier né sur les genoux de sa mère, Martin. Suivront Jeanne dite Véronique en 1918 et Arnaud dit Ellande en 1921. 

Une enfance paysanne

De l'enfance de ma grand-mère et de ses sœurs que j'ai bien connues, je ne sais pas grand-chose. Je regrette aujourd'hui de ne pas les avoir interrogées quand j'aurais pu le faire... 

Elles devaient se rendre à pied à l'école communale du bourg (876 habitants en 1921), à la messe le dimanche et vivre le reste du temps des vies de petites paysannes, aidant leurs parents aux travaux des champs. Dans la famille, on parle le basque de Basse-Navarre, le "manech".  

Paysan sur le pont romain de Saint-Jean-Pied-de-Port (carte postale Estel)

Les deux plus jeunes garçons, Beñat et Ellande sont un peu "attardés mentaux". Plus tard, ils seront domestiques, ne se marieront pas et seront recueillis à Bordeaux au moment de leur retraite par leur sœur Véronique. 

A son retour au foyer après la guerre de 1914-1918, Jean Etchemendy est reconnu invalide à 30% pour « troubles pulmonaires », il a probablement été gazé. Il se voit "gratifier" d'une pension de 300 francs. Chose rare, la mention « décédé des suites de blessures de guerre » figure sur son acte de décès le 3 juillet 1928 à St-Jean-le-Vieux. Il avait 51 ans.
Jean Etchemendy (1877-1928) en uniforme de poilu ~ Collection particulière ©Mdep 


A suivre... 

Sources : AD64 (état civil et registres militaires), archives familiales, Wikipedia. 

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